Rien n’empêche

Fresh from composing Skinny-Dipping with Alligators, a satire in the East Texas vernacular of my youth, I decided I needed to re-boot and re-tool by writing in Montreal French. Follows then the first two passages of Rien n’empêche : Contes de Montréal dans les années soixante-dix. They will be supplemented as the project develops.

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Les mains ont dix doigts, un de plus que requis
Pour compter les conséquences de notre comique
Convoitise. Pamphile Racine avait entamé la vie
Sexuelle sans le luxe de la contraception chemique.

Dans ces années de menstruations caprieuses,
Déclenchées, il en était convaincu, par les lubies
Des femmes espiègles mais astucieuses
Avec lesquelles il couchait, le spectre ressenti

De la fertilité fut suspendu comme le mythique
Épée de Damoclès au-dessus de sa mal voulue
Fuite de son pays inexistant mais claustrophobique.
Il tirait une longue haleine. Ce temps-là était révolu!

Grâce à la pilule, quiconque baisait avec n’importe qui,
Du moins figurativement. Mais dans le monde concret
On ne pouvait pas prendre le quiconque précis
Qu’on avait envie de baiser dans ses bras discrets.

D’où le problème qui tracassait notre Pamphile.
Celle qu’il voulait ne le voulait pas, lui.
Marie-Québec (née Marie-France) était xénophile,
Et lui ne mesurait pas au niveau de l’autrui.

Quant à la claustrophobie occasionnée par son pays
(Mot comme chose qui n’a pas de rime exact), Paris
L’en avait guéri. Paris, là où les gens éblouis
De son accent s’en moquent tout en faisant a priori

L’éloge du bon vieux français tel que parlé
Au 17ème. Vivant comme des vers dans des ruines
Délabrées où les chiottes n’ont jamais du papier-
Ils appellent Quaker Oats ce qui n’est que la gruine!    

Pamphile restait dans la rue du Souvenir, cul de sac
Tout près du Forum. Les soirées des matchs
Des foulées fous y descendaient, chaque
Fan équipé de chandails, de tuques ou de patchs

Colorés rouge et bleu. Pour éviter cette marée
Il aurait dû rester dans son appart modique
Où les murs se séparaient des planchers déformés.
Par ces écarts minces ne passaient pas des rats sadiques

Mais des cafards si, des blattes, quoi! Des coquerelles
Qui grouillaient. Bien que sales, ils ne piquaient
Pas et il avait fini par les assimiler aux sauterelles.
Tout en ayant fait la trève avec ces non-invités criquets,

Il préférait s’esquiver les soirées de hockey rétro
Pour chercher des copains, mieux des copines idéales.
Un beau soir, donc, il se retrouva dans une rame de métro
En direction Berry-de Montigny, axe tournant de Montréal,

Porte aux coins moins anglophones de la grande Ville.
Il faisait sinon un froid de loup au moins un de chien.
Bien emmitouflé, col monté, il entra dans la Tour de Babille,
Son abreuvoir favori des derniers temps. Pas de musiciens.

Que les bruits feutrés des buveurs. Le maître du céans,
Que Pamphile connaissait par un cour de philo
À l’UQAM, n’était pas dedans. À sa place, un géant
Tenait le bar. Il y avaient beaucoup de populo.

Il prit son tabouret habituel à l’angle du bar. Le barman,
Toutefois gentil, demanda sa prédilection. «Une 50»
A-t-il répondu. Il avait hésité devant son choix de la manne
pÀ faire descendre sur le zinc. La soirée serait cahotante

Et, il espérait, cochonne. Partir tout paqueté
Dès le début n’aurait pas été sage. Le hockey
L’avait pourtant suivi jusqu’au petit écran juché
Au-dessus des bouteilles assorties et des colifichets

Kétaines. Heureusement, on en avait baissé le son.
C’est comme ça qu’il aimait les sports, au muet.
Objet à zieuter, ou pas, mais jamais dans l’unison
Des fans qui mettent leur têtes ensemble pour huer.

Peut-être allait-il ce soir gagner le jack-pot,
Côté nanas. Du moins il se sentait corné.
Et le désir, agissant sur des attentes comme despote,
Peut poser une fantasie devant nos yeux bornés.

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Narcisse L’Heureux n’avait pas la moindre once
De philosophie dans son corps. Elle cherchait
Toutefois à ce dilemme classique une adéquate réponse :
Comment faire la part entre ce que les gens disaient

Et ce qu’ils veulent dire. Elle était speakerine
À la télé, pas journaliste. Mais elle prenait pour acquis
Qu’elle devrait suivre la vérité, comme âme pèlerine,
La faissant émerger des faits que par une sorte de ventriloquie

Elle débitait chaque soir. Elle savait qu’elle était, comme rhéteur,
Belle. C’est-tu d’ma faute? se demanda-t-elle chaque fois
Qu’un mec la lorgneait. Sans rien dire des téléspectateurs.
Des milliers, dont une bonne partie croyaient de bonne foi

Que beauté égale vérité, vérité beauté. Bla, bla, bla.
Ça avait des avantages, par exemple son boulot
Et les piasses qui venaient avec, mais aussi, au-delà
Du fait qu’elle devait endurer le sacré culot   

De maints losers qui prenaient leurs attentes pour «de vraies»,
Des mecs qu’elle aurait bien aimé connaitre, y compris
Dans le sens biblique, l’évitaient, vaudra ce que vaudra
Son charme. De sa part, elle visait un chum à qui

Elle pouvait dire face à face, honnêtement, Je t’aimais
Pas pour tes beaux yeux. Quelqu’un qui l’aimerait, elle, ainsi.