Thoughts on Aikido

In 1998 I returned to the study of Aikido after years of abortive attempts. On August 11, 2002, I was awarded the rank of Black Belt (Shodan) by the Vietnamese Sensei Tran-Hiep-Hoa 6th Dan, proponent of the Tenshinkai (heaven-heart) lineage of Aikido (harmony-energy-path).  

 

Apart from a shared knowledge of movements derived from O Sensei’s interpretation of traditional Budo sword and stick techniques and Jujitsu – especially the brutal variety known as Daito-ryu Aiki Jujitsu – the common principles which unite all aikidoka are commitment to:

  • seek self-improvement through the practice of Aikido
  • resolve conflict without violence, if possible

Twenty-five percent of my Shodan test was a written response to questions about Aikido itself and my own goals in its practice. To please Sensei Tran, whose second language like mine is French and who had also shored up in the anglophone precinct of Western Canada, I wrote this exam in French. You are invited to read it below.  At the end there is a translation of its last point, which concerns teaching and learning in the largest sense.  I still hold to the principle expressed there, and one of my regrets about my term as Dean at the University of Ottawa is that I wish I had more clearly articulated this vision of what is the core activity of a university.

My return to aikido was inspired by an impromptu visit in June, 1998 to the Hombu Dojo in Tokyo.  I’ll always be grateful to my colleagues at Meiji University, who had the idea of taking me there when they learned I had previously practiced.

In 2003 I left Sensei Tran’s dojo and, after another year practicing informally with a small group of independent black belts, I had to confront the conflict between the occasional finger sprains occurring in contact Aikido and my renewed interest in guitar, especially flamenco. Leaving aside these otherwise tolerable minor injuries to my own person, the artificially hardened long nails required to produce flamenco sound properly are a menace to colleagues on the mat. I remain committed to the ideals of Aikido but for the time I am an off-mat aikidoka.

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Examen écrit pour le shodan.  Georges Lang.  Septembre, 2002

1. A votre avis, qu’est-ce qui est l’élément le plus important dans l’application des techniques de l’Aikido?

A mon avis, il faut se rappeler toujours que les mouvements enseignés par la discipline de l’Aikido existent simultanément dans plusieurs dimensions, c’est-à-dire que l’Aikido n’est pas seulement un système d’auto-defense mais aussi une façon de comprendre et de s’engager dans l’univers.

2. Qu’est-ce qui distingue principalement l’Aikido des autres arts martiaux (le karaté, le tae-kwon-do)? A considérer: les aspects mentaux, spirituels et techniques.

Bien que l’Aikido appartienne à la même grande voie que les autres arts martiaux de l’Asie, il existe d’importantes divergences.  Par exemple, selon les enseignements du maître O-Sensei, du moins après qu’il a connu les sagesses de l’âge mur, l’Aikido est avant tout un moyen de rentrer en contact avec les présences spirituelles et de reconnaître le mouvement même du Grand Esprit qui anime l’univers.  Quand on pratique l’Aikido, on est à la quête d’autre chose que de simples techniques physiques, bien que ces techniques doivent toujours rester au premier plan.  L’effort mental propre à l’Aikido, c’est de retrouver dans sa pratique physique des leçons qui touchent au domaine spirituel.

Sur le plan des techniques d’auto-défense et de combat, l’Aikido est très efficace. Or, à cause des exigences spirituelles qui le rendent particulier en tant qu’art martial, les mouvements aikido épousent plutot des formes circulaires et spiraux, d’abord pour ne pas blesser celui qui attaque (car une contre-attaque trop directe pourrait endommager inutilement), mais aussi parce que le courbe et l’arrondi, formes dites féminines, traduisent mieux que le linéaire le fond spirituel des choses — quoique ces deux forces dépendent toujours l’une de l’autre.

3. Expliquez le concept et les principes du kokyu nage.

Kokyu veut dire haleine.  Nage veut dire lancement, geste poussé comme de l’haleine vers l’extérieur.  Quand on applique une technique kokyu nage, on doit coordonner et sentir l’unité d’abord de sa propre respiration et de ses gestes, ensuite ceux et celle de son partenaire / adversaire, qui est malgré lui/elle lancé/e dans le vide, et qui doit à ce moment précis apprendre à maitrîser sa propre respiration, avant de s’y heurter trop brusquement, péniblement, voire fatalement.

Pour le débutant, un kokyu nage rassemble à une sorte de charade, un jeu factice qui se prête à la ruse. Souvent, d’ailleurs, c’est ce que pensent les spectateurs occidentaux d’une séance d’Aikido.

Après de longues pratiques, on comprend que l’Aikido tourne autour d’une harmonie dont le kokyu nage enseigne les éléments.

4.  D’où vient votre enthusiasme pour l’étude de l’Aikido?

Suite à une visite fortuite au Dojo Hombu à Tokyo en 1998, je suis revenu à l’étude de l’Aikido après, je dois avouer, plusieurs échecs, dont je regrette surtout l’abandon de mes études avec Sensei Villadorata à Montréal vers 1976.

D’abord, il s’agissait pour moi d’une activité physique rétablissante dont j’appréciais de surcroît l’esthétique et l’attrait esotérique — car je suis intellectuel et, pour emprunter une parole à Victor Ségalen, exote: je recherche l’altérité, et l’Aikido est décidément autre dans mon contexte culturel actuel.  De fil en aiguille j’ai compris qu’il y avait des raisons plus profondes pour mon enthousiasme.

Par exemple, je crois que nous ressentons tous au fond une peur constante, une anxiété propre aux mais pas exclusive aux mammifères, et à plus forte raison les primates de saisie préhensile et de conceptions abstraites que nous sommes.  C’est aussi notre nature malheureuse que de bien saisir la fatalité de nos gestes.  Nous savons que nous n’habiterons que d’un bref moment l’incarnation éphémère des créatures que nous sommes.  Nous risquons incessamment de perdre cet appui, ce sens de soi, de mourir dans un accident imprévu ou suite à une attaque soudaine, que ce soit par une autre espèce de bête ou par un autre être humain qui convoite nos biens ou notre territoire — ou je ne sais pas trop quoi.

Pour moi, l’Aikido est d’abord l’instrument qui enseigne la vigilance à l’égard de ces dangers et la confiance en ce qui concerne les attaques venues de l’extérieur.  Dans ce sens et dans cette phase de mon auto-conscience, l’Aikido soutient mon moi, mon ego.

Or, sur un tout autre plan, l’Aikido est un support philosophique qui m’aide à accepter le fait que ce moi est éphémère, qu’il va disparaître.

Au fond, cela ne sera pas si grave que ça, surtout si l’agonie que je serai en train de vivre participeraient aux rythmes respiratoires que je tâche de maîtriser par le biais de l’Aikido.

5.  Est-ce que vos attitudes (mentality) ont changé durant les cinq ans que vous avez étudié l’Aikido.

Je viens de dire peut-être trop à ce propos en répondant à la question précédente.  En quelque sorte et sur un plan moins dramatique, l’Aikido m’a beaucoup enseigné sur la nature des choix quotidiens qu’il faut opérer dans l’ici et maintenant.  Puisqu’on doit deux fois par semaine pendant deux heures se pencher (parfois littéralement) sur les résultats très concrets des choix qui normalement ont peu de conséquence (qu’on se déplace à gauche ou à droite, qu’on avance directement où qu’on s’esquive, qu’on s’accroche ou qu’on laisse passer un appui possible), on apprend à respecter l’importance de ces déplacements, ainsi que de bien mesurer les déplacements des autres.

6.   Décrivez votre évolution dans des termes qui vous conviennent.  Avez-vous atteint vos buts?

J’avoue que je ne peux pas dire que j’ai atteint mes buts, car je ne les comprenais pas, mes buts, en juillet 1998.  D’ailleurs, qu’est-ce que c’est qu’un but?

7. Qu’est-ce que vous avez réalisé qui vous est le plus important?

 Depuis le commencement de mes études, j’ai perdu des kilos et retrouvé une belle forme pour mon âge avancé.  J’aime beaucoup la souplesse et la verve que l’Aikido m’apporte.

J’ai connu dans la chair et l’os, dans l’articulation et dans la résistance à l’articulation de cette même chair et os, la présence réel de mes amis aikidoka qui partagent cette activité et qui sont engagés dans la même voie.

J’ai vu évoluer ces collègues, dont le changement tant physique que spirituel au cours et dans la mesure de leur propre engagement est manifeste. J’ai compris que nous pouvons faire ce que nous voulons, si pas toujours forcément de la manière dont nous l’imaginons de prime abord.

8. Quelles qualités un instructeur de l’Aikido doit-il ou doit-elle posséder?

Tout en respectant la discipline qu’on enseigne et tout en maintenant la pratique de cette discipline, je crois qu’un instructeur doit toujours aller vers l’élève, tâcher d’abord à comprendre son univers à lui et, ce faisant, l’attraire, ce disciple potentiel, par l’intérêt inhérent de ce qu’on pourrait faire ensemble, tout en sachant que les engagements qui durent se font non par compulsion mais par choix, par désir.

9.  Composez un paragraphe court au sujet de ki.

Le ki (ou chi dans certains dialectes des arts martiaux ou de la médicine asiatique) est souvent défini comme la force qui anime l’univers, mais qui tend à se focaliser dans le centre de gravité de chaque individu, juste au-dessous du nombril, quelques centimètres à l’intérieur et vers les viscères.

En pratiquant l’Aikido, j’ai appris à reconnaître la présence virtuelle du ki dans cet endroit, car on ne peut pas lancer les techniques kokyu nage sans engager ce point vital.

Cela dit, j’ai une notion plus expansive du ki, que je considère comme existant partout dans la nature, nullement situé dans ou rattachée à un seul endroit ou emplacement physiologique.  Quand ils sont efficaces, les gestes déclenchés par une technique aikido s’alignent sur les formes arrondies pour ne pas dire en vortex du ki universel.  L’attaque est masculine, linéaire, directe et dangereuse. Cette aggression linéaire fait partie de l’univers, comme le font d’ailleurs les créatures masculines — dont je suis.  La contre-attaque, la résolution qui s’appuie sur le ki, est par contre et plutôt féminine, c’est du moins ce qui en pensait O-Sensei, qui croyait porter en soi le masculin et le féminin, en dépit de son identité nominalement masculine.

Il existe une force au coeur de la matière et sous une forme que la science actuelle — tant occidentale qu’orientale — ne fait pour le moment que deviner; c’est une force qui détermine l’aspect des choses telles que nous les voyons mais qui reste invisible.  Pour le moment, nous n’avons comme métaphore pour cette entité que le concept du ki.

10.  Quand vous serez un instructeur de l’Aikido, quelle philosophie adopterez-vous?

Franchement, je n’ai pas d’idées très claires sur la pédogogie, y incluses celle de l’Aikido, ceci après moult ans d’enseignement.  Au fond, je doute que quiconque ne puisse enseigner quoi que ce soit à tout un chacun, à n’importe qui.

Il ne faut surtout pas blesser l’élève.

Il faut l’aider à se connaître dans les limites de ses propres pouvoirs et moyens.

Il faut savoir laisser aux élèves leurs choix.  On apprend parce qu’on veut apprendre, on ne peut pas imposer l’apprentissage.

Il convient donc à un instructeur de passer la plupart de son temps à s’instruire sur ce qui se passe dans son propre esprit; et il revient à l’élève de chercher à articuler ce dont il ou elle a besoin.

Paradoxalement, le but primaire d’un instructeur c’est de se détacher de son élève — et d’un élève de son instructeur.

Il s’ensuit que le rapport et l’interaction de l’instructeur et de l’élève ressemble plutôt à celui entre nagué et uké, une échange dynamique dans lequel les deux partenaires apprenent ensemble, quoique différemment, la nature de l’énergie qui les réunit.

Respectueusement soumis cet onze août, 2002 à Edmonton, Canada par Georges Lang

 

Translation into English of Point Ten as requested on August 9, 2002:

10.  Frankly, although I have taught for over thirty years, I have no clear ideas about the techniques of teaching, including those of Aikido.  Basically, I think it unlikely that anyone ever really teaches anything to anyone else [by which I mean that anyone who learns does so because he or she has found their own way].

That said, I start from the premise that the instructor should never hurt the student, and should assist him or her to learn as much as possible within his or her own limits and means.

The next step is to leave students free to choose on their own.  A person learns because he or she wants to; it is impossible to impose learning on anyone.

It follows that the first thing an instructor should do is to instruct him or herself about what is going on in his or her own mind.  The role of the student is to try to articulate what he or she themselves need.

Paradoxically, the first aim of an instructor is to detach him or herself from the student, as the first aim of a student should be to detach him or herself from the instructor.

It follows that the relationship of an instructor and an student is like that between Nage and Uke, a dynamic exchange in which the two partners learn together, albeit differently, the nature of the energy which binds them together.